Quel avenir pour les dark kitchen ? Rencontre avec Matteo de Clasico Argentino
La période sanitaire actuelle n’a pas été mal vécue par tous les acteurs de la restauration. En effet, certains ont réussi à tirer leur épingle du jeu et on parle évidemment ici des dark kitchen. Ces établissements, qui sont apparus il y a quelques années seulement et qui reposent sur une vision nouvelle de la restauration, sont véritablement parvenus à s’imposer sur le marché de la restauration, propulsés par la COVID-19. Et pour cause : ils sont sans places assises, sans enseigne, mais pensés pour la livraison ou encore la vente à emporter. Mais quel avenir s’étend devant eux ? Les dark kitchen sont-elles l’avenir de la restauration ? Pour en savoir un peu plus, nous avons décidé d’aller le voir par nous-même.
Nous avons rencontré Matteo Zanoni de chez Clasico Argentino, qui nous a récemment ouvert les portes de sa dark kitchen.
Bonjour Matteo ! Avant tout, pourrais-tu te présenter et nous parler de Clasico Argentino ?
“Bonjour ! Je suis Matteo Zanoni, je travaille chez Clasico Argentino depuis 1 an et demi et je m’occupe actuellement de tout le développement de la marque, qu’il s’agisse des activités commerciales mais aussi marketing. Clasico Argentino a été créé il y a 10 ans et nous sommes spécialisés dans les empanadas argentins : des chaussons originaires d’Amérique du Sud garnis de farces différentes : viande, fromage et légumes.”
Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la dark kitchen?
“Depuis le début de Clasico Argentino nous avons toujours été omnicanal, c’est-à-dire qu’on a toujours utilisé tous les canaux de vente à notre disposition : la livraison, la vente à emporter et la consommation sur place. Même au tout début de l’aventure quand les plateformes de livraison n’existaient pas, on faisait notre livraison en propre. La livraison a donc toujours été une part importante de notre chiffre d’affaires, et d’autant plus avec le confinement où 70% de notre CA pour 2020 a été fait grâce à la livraison. Avant le confinement, Clasico Argentino couvrait déjà quasiment la totalité de Paris mais il nous manquait Boulogne ainsi que le 15ème et 16ème arrondissement de Paris. Alors pour être réactif, nous avons décidé de lancer une dark kitchen. Ce qui nous a permis d’ouvrir plus rapidement que si nous avions ouvert un nouveau point de vente classique.”
Est-ce que cela vous a demandé d’embaucher du personnel supplémentaire ?
“Pour être honnête pas vraiment. Actuellement nous avons sept points de vente à Paris, et avec la situation actuelle deux sont fermés : celui du Marais et celui du passage des Panoramas. Leur clientèle est touristique, ça ne faisait donc pas sens de les laisser ouverts en ce moment. Du coup, plutôt que de mettre au chômage partiel le personnel de ces établissements, ils nous ont rejoints sur la dark kitchen. Mais il est évident que lorsque les restaurants rouvriront, nous allons devoir embaucher.”
"Avoir une dark kitchen permet de se focaliser uniquement sur la livraison et de réduire le risque d’erreurs de commande"
Pour toi, quels sont les avantages d’une dark kitchen pour les clients ?
“Quand on gère un restaurant traditionnel, on a à la fois des clients sur place et en même temps des commandes en livraison qui arrivent, c’est donc rapidement la course et il y a beaucoup plus de possibilités de faire des erreurs dans les commandes. Donc c’est sûr que pour l’expérience client, c’est décevant. Le fait d’avoir une dark kitchen permet donc de se focaliser uniquement sur la livraison et de réduire le risque d’erreurs de commande. Opérationnellement ça nous permet aussi de réduire les temps de préparation. Car pour obtenir une bonne note sur les plateformes de livraison et être mieux classé, il faut que le client soit livré en un minimum de temps. Plus on prépare vite, moins le livreur attend, plus la commande arrive vite chez le client, plus il est satisfait et donc ça augmente notre volume de vente car il reviendra.”
Sans votre marque "Clasico Argentino" déjà très connue, est-ce que vous vous seriez lancé en dark kitchen ?
“Oui on se serait lancé dans une dark kitchen. En revanche on aurait fait ce que font d’autres personnes qui sont spécialisées dans la dark kitchen : on l’aurait monté avec d’autres marques, car avec plusieurs spécialités au sein d’une même dark kitchen cela permet d’amortir le coût du loyer afin d’être sûr d’être rentable. Là, nous sommes restés sur notre concept d’empanadas avec le nom Clasico Argentino et pour le moment on considère qu’on fait assez de chiffre d’affaires pour ne pas avoir à créer une deuxième marque virtuelle. Notre objectif c’est d’être une marque spécialisée et d’être le leader des empanadas, nous n’avons pas envie de nous éparpiller et d’ouvrir un autre style de cuisine. On essaye de faire les meilleures empanadas possibles et on se concentre dessus tous les jours pour y arriver.”
Selon toi, y a t’il une complémentarité avec vos restaurants traditionnels et votre dark kitchen ? Est-ce la même clientèle ou cela vous permet-il d’en toucher une nouvelle ?
“Disons que la dark kitchen c’est l’extension de nos restaurants pour la livraison. C’est une manière de pouvoir consommer Clasico Argentino à la maison. Ça permet de développer notre marque plus rapidement qu’avec un restaurant traditionnel et logiquement de toucher une autre cible. Aujourd’hui ça nous permet de toucher les clients de Boulogne, du 15ème et 16ème arrondissement de Paris ainsi que Meudon et toutes les zones autour rapidement et à moindre coût pour nous.”
"C’est important d’avoir une communauté assez forte et de communiquer pour l’ouverture de sa dark kitchen."
Une dark kitchen ne bénéficiant pas d’une devanture traditionnelle, quelles actions de communication as-tu mis en place pour lui donner de la visibilité ?
“Il y a plusieurs choses que l’on peut mettre en place en termes de communication quand on est une dark kitchen mais les deux plus importantes à mon avis sont la communication avec sa communauté et les opérations marketing. En premier les réseaux sociaux, majoritairement Instagram. C’est important d’avoir une communauté assez forte et de communiquer dessus pour l’ouverture. Bien expliquer le concept aux clients en leur disant que ce n’est pas un point de vente physique mais qu’ils peuvent se faire livrer quand même. Le deuxième, ce sont les opérations marketing sur les plateformes de livraison. Par exemple, faire du “1 acheté 1 offert” ou des réductions en pourcentage pour les nouveaux clients. Nous, on se focalise vraiment sur l’acquisition de nouveaux clients, et les plateformes de livraisons permettent de mettre en place ce genre d’opérations marketing ciblées pour les personnes qui n’ont jamais commandé dans nos restaurants.”
Pourquoi avoir choisi L’Addition pour vous accompagner dans la gestion de vos restaurants ?
“On travaille avec L’Addition depuis plusieurs années et on en est très content. On a pu mettre en place un système qui permet de recevoir les commandes des différentes plateformes directement intégrées sur la caisse avec Deliverect. C’était un système primordial pour nous et ça nous évite de retaper les commandes à la main. Parfois on prépare 100 commandes dans la journée et ce serait vraiment une grosse perte de temps de retaper les commandes une à une. Avec L’Addition, c’est du temps qu’on gagne pour accueillir des clients.”
Penses-tu que les darks kitchen vont cannibaliser le restaurant traditionnel ?
“Honnêtement je ne pense pas, quand on parle de dark kitchen on parle de la livraison en général. Les personnes qui consomment la livraison sont soit des personnes qui n’ont pas le temps de cuisiner ou qui n’ont pas l’envie de cuisiner. Donc ça ne remplacera jamais la restauration traditionnelle, si les gens ont envie de sortir ou de voir des amis. Je pense que les gens iront toujours au restaurant. C’est vraiment deux types de consommation et d’envies différentes qui sont vraiment complémentaires. Je pense qu’il y a quelque chose d’intéressant à dire, c’est que la consommation sur place et à emporter ça reste le nerf de la guerre. Malgré que l’on fasse d’importants volumes de vente, les commissions - des plateformes - sont elles aussi importantes et ça il ne faut pas l’oublier.”
Les dark kitchens vont-elles persister après la réouverture des restaurants selon toi ?
“Avec le confinement je pense qu’on a gagné une avancée de 3 à 4 ans sur la livraison à domicile. La livraison est ancrée maintenant dans la consommation de tout le monde. Je pense qu’elle continuera à progresser. Effectivement quand les restaurants vont réouvrir, il va y avoir clairement une baisse en terme de volume de commandes mais ça finira par remonter un peu plus tard. Il faut prendre en compte que la situation est assez particulière.”
Quel est le prochain cap pour Clasico Argentino ?
“En termes d’ouverture, nous allons ouvrir une nouvelle franchise à la gare Montparnasse d’ici deux mois ! On est également en train de voir pour une ouverture à Lille et une à Lyon. Ainsi qu’une dark kitchen en Espagne, où le marché est assez mature car les empanadas y est un produit beaucoup plus connu qu’en France.”